sticky leaves // linden + laura

la barbe à papa.

Le soleil est déjà assez haut dans le ciel ; Ses rayons filtrent à travers les rideaux aux tissages légers, laissant entrer une lumière tamisée dans la pièce. C'est joli, sûrement. Un artiste pourrait parler en long et en large de la beauté de la scène, du romantisme certain de l'image, de la valse sensuelle de l'éclairage avec les vêtements étendus çà et là dans l'appartement exigu. Un artiste. Quelqu'un qui n'est pas moi. Parce que Laura Teagarden, elle, moi, ne voit que de la lumière venant déranger son précieux sommeil, en cette boule de feu maudite.  Depuis une heure ou peut-être un demi-siècle, je me prélasse dans le lit, tentant de retrouver Morphée, mais trop souvent dérangée par des idées. Des idées pas très catholiques. Des idées de lui.  Je peux presque sentir sa peau, juste un peu moite, sous mes doigts ; Son parfum d'homme délicieux, un peu trop sexy.  J'expire longuement, pour renvoyer mon fantasme d'où il vient. Pas de chance, ma respiration ressemble plus à un gémissement de chatte en pleines chaleurs qu'à un soupire de meuf qui n'en peut plus.  Je me trahis moi-même. J'arrive même plus à me mentir, à me faire croire que je n’en ai pas envie et que je ne suis pas totalement accro.

C’est là que je flanche, que j’étire le bras et que je prends mon téléphone.

Je n’ai pas à réfléchir plus que ça, mon corps connaît déjà la chorégraphie : mes jambes, toutes seules, se montrent sur leur meilleur jour, mon souffle se coupe en plein milieu d’une inspiration, afin de me faire paraitre plus mince. Finalement, mes doigts experts cliquent sur le point blanc au centre-sud de l’écran, pile au bon moment. Ils ajoutent à la photographie un filtre noir et blanc, plein de mystère, et tapent un message juste assez osé. Tout ce que j’ai à faire, vraiment, c’est de relire une fois, pour m’assurer d’avoir bien choisi mon destinataire – Linden – et de passer un bref coup d’œil sur la photo.

C’est vrai que la lumière est belle. Elle épouse parfaitement mes courbes. J’espère qu’il va apprécier la vue. J’espère qu’il va me répondre rapidement. J’espère encore et toujours, jusqu’à ce qu’un ding familier se fasse entendre. Il doit s’occuper de sa fille avant de s’occuper de mon cul. Il me donne rendez-vous chez nous dans une heure. Je soupire une fois de plus, et cette fois, ça sonne comme il le faut, ou à peu près.