The joke's on you ▲ Liam

Cette fois c'en était trop. Assise à son bureau, encore bien trop proche à son goût de l'objet de son courroux, Lily fulminait, un stylo entre les dents qu'elle mâchonnait faute de pouvoir mordre comme son instinct le lui dictait actuellement. Le motif de sa colère ? Liam. Comme toujours ! Comment cet espèce de mufle se débrouillait pour la mettre dans des états pareils ? Mystère.

Un « Tu viens Lily ? » lancé dans sa direction la tira de ses rêveries meurtrières de kayak dans les chutes du Niagara. Personne ne retrouverait le corps de Liam – corps qu'il avait drôlement bien fait d'ailleurs... et c'était un crime pour un homme si séduisant d'être aussi pénible. « Lily ? » La jeune femme tourna la tête vers son collègue, l'un de ceux avec qui elle avait sympathisé et qui la raccompagnait parfois sur un bout de chemin jusqu'à chez elle. Furieuse, mais bien décidée à obtenir vengeance, elle lui livra son plus beau sourire angélique de première de la classe. « Non je vais rester un peu plus tard ce soir, aider Liam, ce genre de choses. »

L'autre lui répondit par un sourire de connivence. « Aider Liam, hein ? » Et il tourna les talons là dessus, la laissant là, dans la fosse aux lions avec l'auto proclamé roi de la savane à quelques mètres d'elle. Aussitôt, elle vissa ses pupilles rétractées sur son maître de stage. Il se levait. Tiens donc. Lily le suivit du regard jusqu'aux toilettes de l'entreprise et – fut frappée par un éclair de génie.

Les toilettes ! Avec l'entreprise quasiment vide, c'était l'occasion parfaite pour une petite vengeance fourbe. Et même s'il savait que c'était elle, il n'aurait aucune preuve ! A toute vitesse, Lily bondit sur ses jambes. Un coup d'oeil à gauche, un coup d'oeil à droite. Pas un chat à l'horizon ! Elle s'empara d'une chaise, la traîna avec elle jusque dans les sanitaires, se plia bien en deux pour zyeuter sous la porte la seule cabine occupée, arbora un sale petit rictus de chat devant un bol de crème en repérant sa cible, et cala la chaise bien sous la poignée de la porte pour l'empêcher de sortir.

Et voilà, pis au piège ! C'était moins discret que de cracher dans son café – option qu'elle avait envisagé, sauf que Liam se serait méfié de cet accès beaucoup trop soudain de gentillesse – et la guerre serait officiellement déclarée, en attendant, Lily s'amusait comme une folle ! On était loin de leurs joutes verbales quotidiennes, et si d'habitude, elle se prenait au jeu et lui renvoyait ses réflexions acide à la figure, aujourd'hui la jeune femme avait tenue bon après avoir encaissé la millionième remarque douteuse sur ses capacités. D'accord, elle ne les mettait pas en avant rien que pour l'emmerder, mais Liam ? Il était supposé faire avec et jouer son rôle de prof sans broncher, comme le gentil petit soldat qu'il était. Est-ce que c'était de sa faute à elle si l'homme avait ramé pour en arriver là où il était aujourd'hui ? Certainement pas !

Elle en venait à penser à lui hors du travail. Il s'était même invité dans sa sacro-sainte baignoire ! Lily se sentait bien, agréablement perdue dans son cocon de mousse, de chaleur, et de senteurs florales... et paf ! Son cerveau dissident lui avait envoyé l'image de Liam. Bientôt, elle allait se mettre à rêver de lui. Cauchemarder.

Mon dieu, tout mais pas ça.

La poignée de la porte bougeait ! Fière de son coup, la diablesse ravala un petit gloussement, et s'éloigna de la porte, de deux pas, toute prête à savourer les résultats de son coup en traître.

Encore une journée où le boulot était bien trop important pour le nombre d’heures que tu étais censé faire. Alors tu laissais tes collègues partir pour récupérer leurs gosses alors que tu continuais ce que tu étais en train de faire. C’était des faveurs que tu faisais à tes employés qui finissaient par le payer un jour ou l’autre parce qu’il y avait des semaines où tu ne pouvais pas tout supporter tout seul alors l’un d’eux restait avec toi. Alors que tout le monde était parti, tu ne loupais pas le fait que Lily tenait à rester travailler elle aussi ce soir. Cela t’étonnait, les stagiaires étaient toujours les premiers à sortir des bureaux ce qui était normal vu que leurs horaires étaient mieux emménagés et que leur travail ne demandait pas d’heures supplémentaires, ils pouvaient le terminer le lendemain. Miss Warren était la troisième stagiaire que tu avais la chance d’avoir sous tes ordres. Enfin la malchance dans le cas de la demoiselle. Quand tu avais été convoqué par le patron de l’entreprise, tu avais réellement eu peur parce que tu avouais sans honte que tu ne pensais pas le rencontrer un jour. Tu doutais arriver à te hausser à un rang où rencontrer le patron était important. T avais eu cet honneur mais pour un sujet qui ne t’avait pas ravi. Il fallait prendre sa nièce en stage et ses études s’alignaient parfaitement avec ton département d’après ce que son conseiller lui avait dit. Voilà que tu t’étais donc retrouvé avec à ta charge la nièce de ton patron qui t’avait clairement fait comprendre que si cela se passait mal tu pouvais dire au revoir à ton job. Et ça te révulsait. Tu étais chez Google depuis la fin de tes études, sa nièce pouvait te virer d’un claquement de doigts et elle le savait.

Depuis son arrivée, cette dernière n’avait pas manqué de remplir tous les clichés auxquels tu t’étais attendu mais il y en avait un qu’elle avait de plus en plus de mal à dissimuler. Contrairement à ce qu’elle voulait te laisser penser, elle était plus intelligente qu’elle ne le laissait paraître. Peut-être que c’était l’envie de faire le travail et de ne pas échouer qui la poussait à rendre ses tâches complètes et avec très peu d’erreurs ? Tu l’ignorais mais tu avais commencé à remarquer cela dans les travaux de la jeune femme qui à part sur le papier était des plus exaspérantes. Tu ne te privais pas de le lui faire remarquer tout en faisant très attention. Tu marchais sur une ligne rouge bien trop brûlante. L’envie de te rendre aux toilettes se fit sentir. Tu attrapais ton téléphone avant de vérifier tes messages et tes mails et tu le rangeais dans ta poche alors que tu allais faire tes besoins. La tête dans les nuages, c’était ton moment de pause, le moment où tu pouvais ne penser à rien parce que tu allais bien assez tôt avoir à retourner travailler.

Une fois la chasse tirée, tu attrapais la poignée et impossible d’ouvrir la porte. Tu vérifiais que le verrou était bien désenclenché car il t’arrivait de l’oublier, surtout le soir quand tu étais fatigué. Mais il était bien sur la position d’ouverture de la porte. Tes sourcils se froncèrent parce que tu étais enfermé dans les toilettes et par l’extérieur. Cela voulait dire que quelqu’un t’avait enfermé dans les toilettes et devait être de l’autre côté de la porte. Tu repassais les personnes qui avaient pu te voir entrer dans les toilettes et soudain, la lumière fut. Bien sûr que c’était Lily, il n’y avait que ta stagiaire qui était assez gamine pour faire une chose pareille. Tu sentis la colère monter en toi. Elle allait t’entendre c’était certain mais comme d’habitude, tu n’allais rien pouvoir faire, pas vraiment … « LILY ! » Cris-tu parce que tu savais qu’elle était derrière la porte. « Je suis désolé si tu es toujours assez gamine pour ne pouvoir accepter aucune critique et te venger avec des farces d’enfant mais j’ai autre chose à faire de ma soirée. » Oui, soit envoyer les dernières avancées du projet sur lequel vous étiez depuis des semaines pour avoir une prolongation notamment.

« LILY ! »

Excitée comme une puce, Lily sursauta, bondit littéralement surplace. Un mélange de colère, de surprise et... d'accord, il fallait bien l'admettre, d'un peu de peur, bouillonnait en elle comme de la lave en fusion. Là tout de suite, c'était tout de même la surprise qui prédominait. Une demi-seconde ! Il lui avait fallu une toute petite, ridicule demi-seconde pour l'accuser !

Elle s'exclama un choqué et très aigu. « QUOI ? » Si elle avait envisagé la discrétion, voir même de laisser Liam mariner dans son jus toute la nuit sans jamais se faire entendre pour qu'il n'ai aucune preuve que c'était elle la coupable, sa belle résolution avait volé en éclats. En une armada de petits éclats tranchants qu'elle allait lui envoyer tout droit dans la tronche ! « Je peux savoir pourquoi c'est systématiquement MOI la coupable ? » s'insurgea la jeune femme avec toute la mauvaise foi qu'elle avait en stock.

Vexée comme un pou, elle était à deux doigts de lui ouvrir la porte pour mieux le toiser de haut.  Bon... pas vraiment de haut étant donné qu'il était plus grand qu'elle, mais l'idée était là ! Mais Liam et son insignifiante petite personne repris. « Je suis désolé si tu es toujours assez gamine pour ne pouvoir accepter aucune critique et te venger avec des farces d’enfant mais j’ai autre chose à faire de ma soirée. »

Si Lily avait légèrement blanchie en l'attendant rugir son nom comme un lion en cage, elle vira instantanément au rouge pétant. Finie la surprise, Lily était repassée en un éclair au stade totalement furieuse. Dans un élan d'agacement prodigieux, elle grimpa sur la chaise, pas très stable, ni droite, vu qu'elle était coincée sous la clenche, mais Lily était légère, et elle avait un sale type à toiser, et de haut cette fois !

De ses mains, elle s'accrocha au haut de la porte, et se hissa jusqu'à ce que Liam lui apparaisse de l'autre côté, coincé dans sa cabine. Seule sa tête à elle devait lui apparaître de son perchoir, et oui, c'était ridicule, mais Lily s'en fichait éperdument ! « Vous voulez que je vous dise ? Vous allez être vachement plus désolé quand vous aurez passé toute la nuit coincé là-dedans ! » Elle ponctua sa menace d'un rictus insidieux, et ajouta pour la forme. « Et qu'est-ce que vous avez à faire au juste de votre soirée ? On est pas bien là tous les deux ? » Son faux sourire se désintégra en une moue pincée de colère. « La gamine qui supporte aucune critique, et le pauvre type trop jaloux de sa stagiaire pour être un tout petit peu sympa avec elle. Et sérieusement, vous avez été fourni à la naissance sans les zygomatiques ou c'est un traitement spécial rien que pour moi ? »

Le pire dans tout ça, c'est qu'elle le vouvoyait encore. Il y avait donc un vestige de respect sous les couches et les couches d'impertinence. Un rien de réflexion persistait dans le cerveau bouillonnant d'une Lily remontée à bloc, et c'est sur un ton un tout petit peu moins condescendant qu'elle poursuivi. « Non parce que je vous ai vu sourire de temps en temps, alors je sais que vous avez pas un vice de fabrication quelque part. Sauf que vous me souriez jamais à moi ! Jamais un petit ''oh c'est bien Lily, tes résultats sont excellents'' ! »

Et Dieu seul savait pourquoi elle se sentait obligée de lui prouver ses capacités réelles.

Excédé tu l’étais, en colère aussi mais tu étais coincé dans les toilettes de ton étage sans pouvoir sortir. Et prendre ton mal en patience, tu savais ce que c’était. S’il y avait une chose que ta famille t’avait apprise après toutes ces années de vie commune c’était bel et bien la patience. Mais cela Lily l’ignorait bien sûr pendant certainement que tu étais un maître de stage tyrannique et sans pitié qui ne prenait pas en considération ses caprices et ses envies de reconnaissance et de traitement de faveur. « QUOI ? Je peux savoir pourquoi c'est systématiquement MOI la coupable ? » Tu laissais presque échapper un petit rire en entendant la voix de la jeune femme. Elle plaisantait n’est-ce pas ? Déjà parce qu’il n’y avait qu’elle qui avait pu te voir partir aux toilettes et que contrairement à ce qu’elle semblait penser tu t’entendais très bien avec tes collègues. Oui parce que Lily était là depuis à peine quelques semaines, tu bossais pour Google depuis cinq ans, tu n’avais pas besoin qu’elle te fasse des leçons de morale. « Peut-être parce que tu es la seule qui m’a vu quitter le bureau et parce qu’aucun de mes collègues ne m’enfermerait dans les toilettes, ce sont leurs enfants qui font ça désormais. » Cela leur était peut-être arrivée dans leur adolescence, tu n’en savais rien et tu t’en fichais mais la plupart de tes collègues avaient ton âge ou étaient plus vieux même s’il y en avait des plus jeunes mais bizarrement eux te respectaient. « Ah et j’oubliais, eux me respectent aussi. » Et le respect étant mutuel, ce n’était pas avec ce genre de comportement que Lily pouvait espérer gagner le tien, elle était même en train de te prouver tout le contraire soit qu’elle était une petite peste pourrie gâtée qui se fâchait quand on ne lui baisait pas les pieds.

Tu l’entendis bouger ainsi que la chaise et quelques secondes plus tard sa tête apparue au dessus de la porte. Cette situation était franchement ridicule … « Vous voulez que je vous dise ? Vous allez être vachement plus désolé quand vous aurez passé toute la nuit coincé là-dedans ! Et qu'est-ce que vous avez à faire au juste de votre soirée ? On est pas bien là tous les deux ? La gamine qui supporte aucune critique, et le pauvre type trop jaloux de sa stagiaire pour être un tout petit peu sympa avec elle. Et sérieusement, vous avez été fourni à la naissance sans les zygomatiques ou c'est un traitement spécial rien que pour moi ? » Tu la laissais déballer son petit discours et t’insulter aussi au passage. Elle était sérieuse ? Rien que pour l’énerver tu étais capable de passer sans souci la nuit dans ce cabinet de toilette. Tu ne pus t’empêcher de lever les yeux au ciel quand tu l’entendis te dire que tu étais jaloux. Ce n’était pas vraiment le cas. Enfin si un peu mais c’était surtout toutes ces injustices … Ce stage aurait pu être un bon tremplin pour quelqu’un qui galérait, Lily n’avait pas besoin de stage, elle pouvait se faire embaucher directement. « Je sais que cela va te paraître étrange mais c’est du travail qui m’attend ce soir. Tu sais avec des dates et des heures limites pour envoyer le compte rendu d’un projet ? Pour en avancer un autre, ces choses là. » Dis-tu le plus tranquillement du monde en étant parfaitement conscient de lui faire la morale. Tu préférais laisser la seconde partie de son plaidoyer tranquille mais elle n’avait pas fini apparemment, non elle continuait. « Non parce que je vous ai vu sourire de temps en temps, alors je sais que vous avez pas un vice de fabrication quelque part. Sauf que vous me souriez jamais à moi ! Jamais un petit ''oh c'est bien Lily, tes résultats sont excellents'' ! » Tu levais un sourcil, c’était plus fort que toi. Cette fois, c’était la preuve ultime que tu avais affaire à une enfant, une pure enfant qu’il fallait encourager au moindre effort et chouchouter sans cesse. Ce n’était pas ton genre, cela ne l’avait jamais été. « Donc si je comprends bien je suis enfermé dans les toilettes parce que je ne souris pas et ne complimente pas madame comme elle le souhaiterait ? » C’était en tout cas ce qui semblait ressortir de cette discussion et si c’était le cas c’était vraiment pathétique. « Je suis désolé de ne pouvoir répondre aux critères du parfait maître de stage qui est là pour faire du bien à l’égo de sa stagiaire, je n’ai eu aucune raison de te faire ce genre de compliment ni de sourire et la situation de ce soir ne fait que renforcer mon point. » Dis-tu en montrant la situation actuelle dans laquelle vous étiez.

« Donc si je comprends bien je suis enfermé dans les toilettes parce que je ne souris pas et ne complimente pas madame comme elle le souhaiterait ? »

Plus dédaigneux, tu meurs. Et Lily ouvrit de grands yeux. « Non ! C'est parce que... » Parce qu'il la détestait, parce qu'à ses yeux elle n'était rien, rien d'autre que la nièce du PDG. Pas Lily, juste l'héritière des Warren, qui n'avait rien à faire ici quand elle pouvait se prélasser dans le luxe et avoir n'importe quel métier de son choix en claquant des doigts.

Sauf que son choix, c'était d'être ici, d'apprendre comme le commun des mortel et de valider ses études avec ce foutu stage. Ca, Liam refusait de le voir, et ça faisait mal. Il l'avait méprisée depuis le jour même de son arrivée. Alors oui, Lily se défendait, et selon elle, la meilleure défense avait toujours été l'attaque, ça ne voulait pas dire qu'elle était hermétique à son indifférence systématiquement teintée de suffisance qu'il lui jetait quotidiennement au visage.

Déconcertée, elle descendit de sa chaise alors qu'il la sermonnait sur son ego. Bien-sûr, Liam ne voyait aucune raison de l'encourager, même lorsqu'elle faisait ses preuves en lui montrant ses capacités réelles. Elle soupira. « Ca va, j'ai compris que vous m'aimez pas. » Inutile de lutter face à une tête de mule pareille. Face à l'ombre des Warren qui s'étendait sur ses moindres gestes maintenant qu'elle avait usée de ses connexions familiales pour avoir ce stage. Mais ce n'était que de sa faute à elle après tout, que monnaie rendue.

« Vous savez quoi ? » dit-elle avec un sourire sans joie que Liam ne pouvait de toute façon pas voir. « C'est peut-être vous qui êtes enfermé, mais de nous deux, je crois bien que c'est moi qui vous respecte le plus. » Avait-il seulement idée du mal qu'elle pouvait faire à sa carrière si l'envie lui en prenait ? Si comme lui, elle ne le voyait pas comme Liam, c'est à dire une personne à part entière, mais juste comme un tyran à écarter de sa route. Elle ne pensait pas qu'il le soit, et la théorie de la jalousie qu'il n'avait pas pris la peine de démentir se tenait de plus en plus vu son discours. « C'est vrai, je suis chiante et excessive. » Et gamine aussi, vu le cœur qu'il mettait à la comparer à une enfant. « Un point pour vous. Mais avouez que j'aurais pu faire pire. » railla t-elle, pas méchamment, mais sans réel humour non plus.

Lily décala la chaise là dessus, laissant la porte s'ouvrir. Elle se recula, posant ses fesses contre les lavabos, et entourant son buste de ses bras en un simili de bouclier contre le désarroi qui l'envahissait. Lorsque Liam réapparu, elle le contempla quelques secondes avec regret. Pas de l'avoir enfermé, mais qu'ils soient tombés si bas tous les deux, au point que même le provoquer ne soit plus si divertissant. Nouveau soupir, la jeune femme baissa les yeux et se résigna à la longue soirée qui l'attendait. « Allez venez, on va le finir ce projet. »

Tu ne pouvais t’empêcher de penser que les actions de la jeune femme étaient puériles parce qu’elles l’étaient. Enfermer son tuteur de stage dans les toilettes, ce n’était pas la meilleure idée du monde et si Lily le faisait c’était parce qu’elle savait très bien que tu n’avais pas le droit de la renvoyer chez elle pour qu’elle ne revienne pas le lendemain. Non, tu avais les mains liées dans cette affaire et cela ne te plaisait pas un seul instant. Voilà pourquoi tu ne faisais aucun effort avec la demoiselle aussi parce que tout cela t’avait été imposé alors que tu n’avais rien demandé et que tu aurais préféré passer l’été tranquille à ne pas gérer les sautes d’humeur de Miss Warren. « Ca va, j'ai compris que vous m'aimez pas. » Cette fois tu relevais la tête. Quoi ? La vérité ce n’était pas que tu n’aimais pas Lily, tu ne la connaissais pas. Tu détestais juste tout ce qu’elle représentait, toute cette arrogance et cet orgueil d’un monde qui n’a que faire de piétiner tous ceux qui passent sur leur passage s’ils en sortent les vainqueurs. Toutes ces injustices qui n’avaient fait qu’emplir ta vie depuis que tu étais né et qui étaient toutes représentées par la jeune femme. « Ce n’est pas toi que j’aime pas, je ne te connais pas. » Le pire c’est que c’était la réalité. Tu faisais en général toujours un effort avec les stagiaires essayant de les connaître un minimum mais avec Lily tu n’avais jamais pris la peine de le faire, excédé par sa présence tu préférais limiter vos interactions. « Vous savez quoi ? C'est peut-être vous qui êtes enfermé, mais de nous deux, je crois bien que c'est moi qui vous respecte le plus. C'est vrai, je suis chiante et excessive. Un point pour vous. Mais avouez que j'aurais pu faire pire. » Oh tu ne doutais pas qu’elle aurait pu faire bien pire. Et c’était la cerise sur le gâteau, ce qui te faisait encore plus rager. Qu’elle puisse détruire ta carrière d’un claquement de doigt. Le reste encore, passe mais ça ce serait la pire chose qui pouvait t’arriver. Tu ignorais ce que tu ferais si cela arrivait d’ailleurs, rien certainement mais bon, c’était beau de rêver … « Je dois donc désormais te remercier de m’avoir enfermé dans les toilettes plutôt que d’avoir brisé ma carrière, cette soirée s’améliore. » Dis-tu en ayant une seule envie, te taper la tête contre les parois des toilettes dans lesquelles tu te trouvais. « Tu trouves que c’est normal toi qu’une gamine de vingt-deux ans qui arrive dans une entreprise puisse gâcher la carrière de tous ses collègues ? » C’était sur le principe que tu parlais, tu savais que tous tes collègues étaient à l’abris vu comment ils étaient sourires et politesse devant la demoiselle. Contrairement à toi bien sûr. Tu étais poli, juste pas très souriant quoi ce qui ferait rire ta famille qui n’hésiterait pas à te taquiner si elle était au courant.

Alors que tu soupirais, tu entendis la chaise bouger de l’autre côté de la paroi et tu ne cachais pas ta surprise quand Lily ouvrit la porte des toilettes. Dire que tu ne t’attendais pas à sortir aussi vite était un euphémisme. Cela t’inquiétait un peu qu’elle laisse tomber ainsi cependant donc mieux valait rester sur tes gardes. « Allez venez, on va le finir ce projet. » Tu ne te le fis pas dire deux fois, tu sortis de ces toilettes où elle pouvait encore t’enfermer si l’envie subite lui prenait. Tu la vis baisser les yeux ce qui te surpris encore une fois. Tu t’approchais des lavabos pour te laver les mains avant de dire : « J’ai une question pour toi … » Dis-tu alors que tu te dirigeais vers les serviettes pour t’essuyer les mains. « Qu’est-ce que tu gagnes à faire croire à tout le monde que tu es aussi bête que la Petite Sirène alors que nous savons tous les deux que ce n’est pas le cas ? » Tu étais curieux, tu ne pouvais pas le cacher.