Here I am, back to you ft Cooper

En ce moment tu ne dors pas vraiment bien. Tu rêves plus que d'habitude, surtout la nuit. Notamment de ces hommes que t'as aimés. De ce foutu tic-tac qui résonne en permanence à tes oreilles. Ta tête est juste remplie de réflexions sur ton choix, celui qui remonte à deux ans. Celui d'être partie pour une tournée. Pour une aventure qui t'a un peu trop marquée. Sur ce qui t'inspire aussi au quotidien pour tes chansons, tes photographies. Sur ce qui t'aider à vaincre tes angoisses. Le malheur des autres. La médiocrité. D'où te viennent toutes ces questions subitement ? Demandons le à Landon. Lui, ses lèvres venimeuses et ces paroles blessantes. Douloureuses parce que véridiques. T'es égoïste Jo, depuis que ta mère n'est plus là. Tu t'es transformée en un monstre abjecte se nourrissant de la noirceur des gens autour de toi, sans se soucier de leur véritable peine tant qu'ils atténuent la tienne. Vident ton esprit de ses tourments. Aujourd'hui tu perds ton précieux ami de la pire façon qu'il soit, de ta faute. Seulement de la tienne. Dimanche matin, ton vieux réveil jaune sonne. Tu grignotes ton bol de céréales, pensive, un peu nostalgique également. De cette vie que t'as foutue en l'air en partant. Tu aurais aimé dormir, te cacher sous ta couette en écoutant de la musique. Mais ce n'est pas possible. Une douche, tes cheveux enchainés dans un chignon mal fait, ton sac et déjà tu quittes ton appartement.  

L'air frais matinal te fait du bien, chasse tes tristes pensées. Les rues ne sont pas encore pleines, animées seulement par des coureurs et des murmures. La tranquillité de l'automne. Neuf heure cinquante deux quand tu t'installes à cette table. Prêt de la fenêtre, ça donne une échappatoire au cas où ta réalité déraille une fois de plus. T'as le cœur qui bat la chamade, te demandant encore comme tu as pu envoyé ce message. Ce tout petit sms destiné à Cooper, l'invitant à te rejoindre à dix heure dans ce petit café que t'apprécies particulièrement. Selon ton imagination ça ne peut que bien se passer parce que vous vous connaissez bien. Trop bien. Il sait ce mal qui te ronge, tes travers et tes peurs. Sa silhouette élancée accroche finalement ta pupille lorsqu'il franchit la porte et tu ne peux empêcher un doux sourire de fleurir sur tes lèvres. Comme un automate tu te lèves. " Bonjour Cooper. " Ta voix est aussi légère qu'un murmure, empreinte d'une émotion que tu ne saurais décrire. Sans plus attendre tu le sers dans tes bras, presque trop rapidement pour que cela paraisse réel, pour que ton corps s'en souvienne. Car malgré tout c'est étrange il fait l'avouer. " Comment tu vas ? " Question stupide, ta spécialité en ce moment. C'est maladroitement que tu t'assois et les joues légèrement roses aussi. Tu aurais peut-être du faire un effort pour t'habiller. Non c'est ridicule, t'es mieux dans ce pull délavé et trop grand. Comme une protection, un endroit pour se cacher de la honte que tu ressens. Tu es restée Janine.

La banalité ça ne te va pas Janine. Ça se voit sur ton teint, ça s'entend dans ta voix, ça se lit sur les traits de ton visage. T'es faite pour les conversations exotiques, teintées de poésie et parsemées de ce brin de folie que tu aimes tant. Le sérieux, l'indifférence, la tenue, autant de chose qui te sont étrangères. Tout ce qui se passe maintenant sonne faux. Presque dérangeant. Les souvenirs que tu as de Cooper c'est un nuage de coton. Le réconfort de ces rendez-vous presque quotidiens après le boulot, la douceur d'un morceau de musique que vous avez transformé en duo. Rien que pour vous. Sauf que tout ça c'était avant. Aujourd'hui une table vous sépare et elle te parait immense, massive. Tu écoutes avec une sincère attention le récit de sa nouvelle vie. Aucun pronoms féminin, juste un félin. Est ce du soulagement que tu ressens ? Mieux vaut ne pas chercher. La musique ça ne doit pas avancer tant que ça si tu te fies au son de ses paroles. Du moins c'est toujours insuffisant pour lui. Tu le sais. Tu le connais. Tu t'apprêtes à lui répondre mais la violence de la phrase qui suit t'en empêche. Pendant un quart de seconde tu revois Landon et sa haine. Un désolé qui n'en ait pas un. Tu te perds dans tes pensées. Pourquoi tu as demandé à le revoir déjà ?

La sonnerie de son téléphone te ramène à la réalité. Inconsciemment tes lèvres s'étirent, certainement à l'idée qu'il te trouve plus intéressante que ce coup de file. Tu ramènes une jambe contre ta poitrine, prenant appuis sur la chaise. On repassera pour la politesse une fois de plus. " J'essaye de trouver un équilibre. Je suis ingé son au théâtre maintenant, un boulot stable. Je joue toujours autant parfois dans des bars. Une nouvelle petite vie tranquille. " Tu soupires, longuement avant de passer une main dans tes cheveux. C'est pas aussi facile que tu l'avais imaginé. Tu te mords les joues intérieurement comme si ça pouvait te donner un peu de courage. Tes yeux se perdent sur le parquet." Le retour n'a pas été évident. La tournée s'est mal finit pour moi et euh.. Disons que je commence à peine à saisir les conséquences de mes actes. " Mal finit oui on peut le dire. Vivre avec un homme qui te terrifie... Les conséquences ? La peur. La rancoeur de tes proches. Les reproches. Ton changement. Ta bulle qui éclate. Il y a des choses que tu dois lui dire à cet homme que t'as aimé. Des choses si importantes que tu dois arrêter de tourner autour du pot. " Tu méritais pas ça Cooper. Je suis désolée, sincèrement. Je suis pas partie à cause de toi ou pour un autre homme. Tu me connais tu sais que j'avais juste peur. Que j'ai peur. " Certes tu avais finit par te mettre avec Chris mais cette relation n'avait qu'une conséquence, jamais une raison. Tu daignes enfin le regarder dans les yeux. Il sait presque tout de toi, de ton histoire. Il ne peut que comprendre non ? Naïve Jo.

Un sourire. Un regard plus doux. L'atmosphère est plus agréable, tu t'y sens mieux. Ça réchauffe ton coeur meurtri. Son rire résonne et tu te souviens à quel point tu aimais ce son. Des yeux qui s'accrochent dans une vieille habitude. Des retrouvailles spirituelles. Il a raison, la petite vie tranquille et routinière ce n'est pas pour toi. Plus de formations à foison. Fini aussi les petits boulots que tu enchaînais pour payer le loyer. Depuis un petit moins d'un an tu as un travail stable et qui te plaît. Tu as même commencé à suivre des cours de philosophie à l'université en tant qu'auditeur libre. Tout est posé, à sa place. Il n'y qu'un seul électron libre dans ta vie et quand tu vois les dégâts que ça cause en ce moment, tu te dis que c'est bien assez. "Faut croire qu'en deux ans j'ai un peu grandit finalement. " Tu n'es encore certaine de savoir si tu aimes ça ou non. Pour l'instant ça te convient. Tu en as même besoin de ce confort, de cet équilibre. Qu'est ce que tu aurais sinon à part tes instruments et ton vieux carne rempli de compositions pas toujours bonnes, pas toujours achevées ? Cooper il t'écoute, comme avant. Sans jugement, sans méchanceté. Ça te fais du bien. C'est pour cela qu'il est l'un des seuls à savoir pourquoi tu mènes cette drôle d'existence. La peur d'être malheureuse. La peur de mourir soudainement, pleine de regret. La peur de te lasser. Tu as tellement envie d'exister, de ressentir que des fois ça fout en l'air les jolies choses qui t'arrivent. L'amour par exemple. La preuve en est devant toi.

Sa main sur la tienne te surprend. C'est étrange. Tu ne saurais pas vraiment déchiffrer tes sentiments à ce moment précis. Ma douce. Une rancoeur inattendue commence à faire surface au fond de toi. Lui, cet homme à qui tu as brisé le cœur, que tu as abandonné alors que vous étiez amoureux, lui est capable de compréhension et de douceur. Il t'avoue ne pas pouvoir te pardonner mais le fait sans essayer de te mettre plus bas que terre. Sans vouloir te tuer à petit feu. Pourquoi Landon en était incapable ? Pourquoi avec lui tout est si passionné et violent ? Le goût amer de la culpabilité emplie ta bouche et tu as beau boire ton café brûlant, ça ne part pas. T'étais chanceuse de l'avoir et tu as joué les insatisfaites. Quelle stupide tu es. " Merci… " Un murmure. Tu sers sa main en réponse rapidement, avant que la sienne ne s'échappe. Jamais ses yeux ne lâchent les tiens et tu n'as pas le droit de te détourner de toute façon. Il faut assumer. Sa question met ton esprit en panique. Les mots se confondent, tout autant que les émotions. Tu es perdue. Solution de secours, tu caches ta bouche dans ta main, arrachant presque tes lèvres. Sans pouvoir l'expliquer, tu as l'impression de jouer un jeu dangereux. " J'avais besoin de remettre de l'ordre dans ma vie. On m'a fait comprendre qu'il fallait que j'arrête de ne penser qu'à moi au détriment des autres. " Tu ramènes ta seconde jambe contre toi. Les avantages d'etre petite. Une enfant mal a l'aise qui se protège. Tu regardes par la fenêtre, les gens qui déambulent. Nous sommes dimanche, beaucoup de famille défilent devant tes yeux. Un sourire mélancolique fleurit sur tes lèvres. " Je crois que pour une fois j'ai besoin de quelque chose de normal, calme et sain surtout. Et il n'y a que toi qui colle à cette définition autour de moi. "  Ça sonne égoïste et ça l'est un peu. Mais c'était aussi important pour toi de lui présenter tes excuses. Parce que malgré tout ce que tu peux faire, tu detestes causer du mal aux gens que tu aimes.  " Et toi alors ? Tu es venu en espérant quelque chose ? " Tu n'es sure de rien, alors tu préfères garder tes yeux sur la rue.

Tandis que tu lui expliques pourquoi tu en es venue à le contacter, tu remarques que son visage se tord en une légère grimace. T'as peur qu'il ait mal saisit. Alors tu reprends rapidement, tes mains s'agitant déjà de panique. En ce moment tu perds suffisamment à cause de malentendu, pas besoin de rajouter une autre personne. " Non non ! Si je t'ai envoyé ce message pour qu'on se revoit c'est pour essayer de réparer le bazar que j'ai laissé en partant. Il est temps d'être moins égoïste, d'affronter les conséquences de ce que j'ai fait. C'est la leçon  que j'ai appris ces dernières semaines… " Voilà ce que tu voulais dire par remettre de l'ordre dans ta vie. Tu te demandes ce qu'il a pu comprendre. Tes deux jambes contre toi, tu te sens à l'abri des jugements potentiels de ton ex, de la culpabilité et de la souffrance que tu as pu causé. Parfois tu te demandes s'il peut exister un monstre pire que toi ? Le bon Dieu sans confession en apparence et lorsqu'on creuse vraiment, on ne trouve rien de divin. Loin de là. C'est en gardant les yeux loin de sa silhouette que tu l'écoutes avec attention même si tu n'en as pas l'air. Des souvenirs te reviennent en mémoire. Ces soirées à jouer de la musique, ses soupirs quand il constatait à quel point tu te fichais du dernier manteau sur lequel il avait flashé.  

Sa dernière phrase force toutefois tes yeux à revenir sur lui. Tu n'es pas certaine d'avoir saisit ce qu'il voulait dire. Son regard fuyant et son rire nerveux ne font que confirmer ce qui t'avait traversé l'esprit l'espace d'une demie seconde. Une allusion à vos anciennes relations charnelles. Tes joues se teintent d'une jolie et délicate couleur rouge. Comme si tu n'étais pas suffisamment mal à l'aise. Tes doigts s'amusent à plier et déplier le bout de papier qui enveloppait le morceau de sucre un peu plus tôt. Tu as encore moins envie d'étendre tes jambes maintenant, tu te sentirais beaucoup trop mise à nue. " Je ne me souviens plus si j'avais laissé des affaires chez toi… probablement je ne suis pas du genre rangée et organisée. Tu en as fait quoi ? " Toi-même tu ne saurais dire ce que tu redoutes le plus. Qu'il les ait jetées ou bien conservées. Il te semble par ailleurs que tu as deux ou trois fringues à lui dans ton placard. Quand t'as tout quitté, t'as simplement tout mis dans des cartons et louer un box. Faire le tri ne t'as jamais traversé l'esprit. Peut-être aimerait-il les récupérer ? Il se pourrait que cette rencontre ne soit pas amenée à être la seule finalement.  

Sa question pourtant légitime sonne comme une accusation. Tu lui demandes de revenir dans ta vie après ton abandon et pas un instant tu t'ais imaginé qu'il pourrait craindre que cela arrive une nouvelle fois. Tu vis dans un monde trop doux et sûrement un peu trop simpliste. Tu replaces tes cheveux derrière ton oreille, gênée. Coupable et honteuse. " Je sais pas Cooper… aucune je dirais. " Tu reprends ta respiration, une petite seconde pour évaluer sa réaction. " Si une belle opportunité se présente, il y a des chances que je m'en aille à nouveau, je suis comme ça. Mais je ne le ferais pas de la même façon. " Pas avec un simple message par exemple. En y repensant c'était vraiment de cruel de quitter l'homme dont tu tombait doucement amoureuse ainsi. Cruel pour lui tout comme pour toi même. Tu te souviens de ce texto écrit à la vite. Parce que la vérité c'est que tu ne l'as pas vraiment mis au courant tout de suite. Tu l'avais un peu oublié sous le coup de l'excitation. La vérité c'est que t'avais tapé ces mots si violents pour te débarasser de la culpabilité, pour partir l'esprit léger. Une nouvelle aventure t'attendait, la musique et la photographie t'ouvraient grand les bras. Tu n'avais pas le temps de t'encombrer de l'amour, de lui, de vous. Janine aussi douce que vénéneuse, pourrait-on dire.

Les joues rouges des deux côtés tandis que le souvenirs de vos corps enlacés, transpirant, ne faisant plus qu'un, s'imprime dans vos esprit. Ravivent des sensations oubliées. L'amour avec Cooper c'était tendre, c'etait beau. Des éclats de rire et des étoiles dans les yeux. " J'ai compris t'en fais pas. Et puis de tout façon tu les connais mes jambes, c'est vrai… C'est juste rassurant comme position. " Il a visé juste en disant que ça te protégeait mais tu ne veux pas lui accorder ce point là. Il n'a pas besoin que tu confirmes ces dires, ça fait bien longtemps que tu n'es plus un mystère pour lui. Le fait qu'il te déballe exactement ce que tu as laissé chez lui t'impressionne. Ça te touche aussi. Il ne s'est attaqué qu'à une robe, tu méritais plus. " J'ai jeté la crème quand j'ai lâché l'appart. Et pour être honnête je continue d'utiliser tes fringues sauf une veste trop chic pour moi. " Pas par amour, pas pour la valeur sentimentale. C'est simplement confortable et tu ne te prends pas la tête à savoir si cela se fait de porter encore les vêtements de son ex. Tu finis d'un trait ton café avant de sortir un billet de ton sac. Tu te déplie, t'étires à l'image d'un chat. Un jour il faudra apprendre à se tenir.  " Tu peux jeter le maquillage, je l'utilise pas plus qu'avant comme tu vois. Je crois que j'aimerais bien récupérer le reste… Je dois filer mais tiens moi au courant de tes dispos et on s'arrangera si ça te convient. " Debout, tu prends une dernière seconde pour l'observer. Cooper. Cooper. Tu lui as brisé le cœur et il est là devant toi. Instinctivement tu te penches sur lui et déposes sur sa joue un baiser. Tes lèvres murmurent près de son oreille. " Merci. " C'était court. Un pas à la fois c'est peut-être bien pour une fois.